MiniReview: "Provincetown Playhouse, juillet 1919, j'avais 19 ans" par Normand Chaurette

 

Ces maussades jours d'hiver, je m'inspire avec la lecture de plusieurs pièces de théâtre québécoises des années 80. 

 

Pour la troisième fois d’affilé, le texte que tu as choisi de lire est une pièce de théâtre québécoise datant des années 1980. Un peu obsédé, John?

Mais oui. Après René-Daniel Dubois et Michel Marc Bouchard, c'est le tour  de Normand Chaurette, et cette pièce de 1981.

 

C’est un drôle de titre, ça.

Oui, mais il s’agit d’une belle courte description de la pièce. En fait, on est dans une espèce de mise en abime : la pièce raconte l’histoire d’une pièce de théâtre créée par le narrateur, jouée seulement une fois, au célèbre Provincetown Playhouse en Rhode Island en 1919. Au centre de l’intrigue, il y a le mystère entourant la découverte du cadavre d’un enfant dans un sac sur la scène, ce soir-là. La question se pose, est-ce que le narrateur et les deux autres comédiens en étaient au courant?

 

Cela me rappelle quelques éléments des deux autres pièces québécoises de la même époque que t’as récemment lues.

Effectivement, on est toujours dans ce mélange de l’amour homosexuel, le meurtre, la folie (le narrateur est dans un asile au moment ou il raconte l’histoire), le jeu. Mais ce texte-ci est beaucoup plus, je dirais, surréaliste, ou symboliste, que les deux autres. Difficile à représenter sur scène, j’imagine. Par exemple, il y a deux comédiens qui joue le même personnage, à l’âge de 19 ans et de 38 ans, et on est tour à tour en 1919 et en 1938, souvent au même moment, dans l’imaginaire du narrateur. Comme un songe, en fait.

 

Tu as envie de voir la pièce?

Pas vraiment. C’est intéressant à lire, j’ai beaucoup apprécié l’originalité de la construction du texte, la poésie dans les répétitions de phrases et d’images. Mais c’est un peu trop intello pour mon goût. À mes yeux, Chaurette est un Pirandello québécois, avec son texte trop plein d’idées philosophiques mais ou les personnages manquent de profondeur et de complexité.  

 

Mais comment expliques-tu cette association de l’amour homosexuel et le meurtre, la folie …?!

Je ne suis ni philosophe, ni sociologue, ni sexologue. Je trouve ce mélange de thèmes hyper-intéressant, quand même, ce qui explique la raison pour laquelle j’ai lu trois pièces de théâtre récemment qui abordent ces thèmes. D’un côté, tout cela s’inscrit dans une longue tradition dans la littérature et le cinéma qui veut que l’amour homosexuel doit se terminer mal (dans la mort, la misère, l’instabilité mentale). Et, effectivement, l’homosexualité était longtemps considérée une maladie mentale. Ce qui est intriguant dans Provincetown Playhouse, juillet 1919, c’est que le personnage qui réside dans une asile joue la folie afin de se disculper du crime (qu’il a commis), tandis que les deux autres comédiens (qui étaient innocents) se sont faits pendus. Alors, c’est peut-être la société qui est folle ? Voilà un vrai point de vue queer !

 

Mais, en fin de compte, la pièce ne t’a pas rejoint ?

Non, elle m’a laissé plutôt indifférent. Jusqu’à maintenant, des trois dramaturges québécois gais que j’ai lu, celui qui m’a le plus impressionné, c’est René-Daniel Dubois. J’ai déjà un autre de ses textes sur ma table de chevet !

 

Mais Dubois n’écrit plus pour le théâtre …

Malheureusement non. Le théâtre d’aujourd’hui, c’est une affaire d’images et de spectacle. Chez Dubois, c’est le théâtre de la parole. Sublime !

 

 

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