MiniReview: "Being at Home with Claude" par René-Daniel Dubois

Image: Lothaire Bluteau et Guy Thauvette dans Being at Home with Claude


C’est quoi, ça, Being at Home with Claude?

C’est une pièce de théâtre de René-Daniel Dubois, créée en 1985 au Théâtre de Quat’Sous à Montréal. Le texte fut publié en 1986. J’ai vu la pièce jouée en anglais à Londres quelques années plus tard, mais toujours avec le magnifique Lothaire Bluteau dans le rôle principal. 

 

Le titre est en anglais. Pourquoi ?

Aucune idée. Quelqu’un peut m’aider ? Vraiment, pas la moindre idée.

 

S’agit de quoi, au juste?

C’est une seule longue scène qui se déroule dans le bureau d’un juge (qui n’est pas là) au Palais de Justice à Montréal. Un policier interroge un jeune prostitué pour essayer de comprendre (1) pourquoi il a tué son amant, (2) pourquoi il a informé la police de son crime, étant donné qu’il n’y a rien qui lierait le victime à Yves, le prostitué, et (3) comment il se fait que Yves ait une clé pour le bureau du juge.

 

Le victime était vraiment son amant, ou juste un client?

Non, c’est une véritable histoire d’amour fou. Dans le très long monologue qui termine la pièce, Yves explique comment il a découvert quelque chose de réel et profond dans sa relation avec Claude:  « On a r'commencé à s'embrasser. Pis à faire l'amour. Je pense que c'est la seule fois d'ma vie que j'l'ai faite. » Par contre, il décrit ses aventures sexuelles dans les bars et sur la montagne ainsi : « [sur la montagne] c’est du monde comme moi. Qui cherche la même affaire: quelqu’un avec qui s’amuser, avoir du fun, du plaisir même, des fois. »

 

Donc, dans le fond, c’est une histoire d’amour?

Oui, mais derrière ça, il y a toute une réflexion sur la lutte entre la raison et la passion (un sujet qui résonne sur le fond du projet indépendantiste au Québec en 1967, quand l'action se déroule, et également en 1985, quand la pièce fut créée). Yves, en un certain sens, représente la passion, pure et dûre. Ce qui est fascinante, complexe, belle parfois, mais qui se termine avec un cadavre.

 

Il ne s’agit pas, alors, d’une soi-disant « pièce gaie » ?

Non, le sujet n’est pas le fait d’être gai ou pas. Cela dit, selon moi, il y a toujours quelque chose de transgressif dans l’acte sexuel entre hommes, et dans ce sens-là, l’histoire de Claude et Yves incarne la folie, le rêve de vivre  quelque chose qui transcende la laideur du monde. Faut mentionner que tout cela se passe pendant le weekend de la Fête de la Confédération en 1967, une célébration (au moins d’un certain point de vue) de la loi et l’ordre. Yves, gai et prostitué, est l’opposé extrême de la loi et l’ordre.

 

L’histoire d’amour, elle est convaincante?

Oui. Tout le pouvoir de cette pièce dépend du comédien qui joue le rôle de Yves. Il faut qu’on croit que l’action, invraisemblable qu'elle soit, aurait pû se passer comme il la raconte. En lisant la pièce, évidemment, il n’y a pas ce côté-là. On a juste les mots, et oui, ils sont convaincants, et émouvants.

          Il y a, je crois, quelque chose de contestataire dans l’amour homosexuel, un amour qui ne peut jamais être « fonctionnel » parce qu’il n’aboutit jamais dans la réproduction, le but élémentaire du sexe. On croit, parfois, nous, les gais, qu’on peut changer le monde au moyen de notre amour. Malheureusement pour Yves, à un moment clé, il reçoit une vision de l’avenir pour lui et Claude qui est peu inspirante, et le résultat est le crime qui fait le sujet de l’intrigue.

 

Intéressant ! Une étoile pour Being at Home with Claude?

Absolument, une étoile ! Une pièce à lire, et à relire. Un texte qui te fait réféchir.

 

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