MiniReview: "Une Part de ma vie" de Bernard-Marie Koltès

Koltès à Avignon. J'adore cette photo, même si Koltès insiste plusieurs fois dans ces entrevues qu'il n'aime pas aller au théâtre, ni assister aux répétitions. "On s'emmerde au théâtre quatre-vingt-dix-neuf pour cent du temps." (Koltès)

 

 

Qu’est-ce que c’est?

C’est un recueil de toutes les entrevues écrites accordées par Bernard-Marie Koltès, de 1983 jusqu’à 1989, l’année de sa mort.

 

Mais qui est-ce, ce Koltès?

Précisément la question que je me suis posée quand j’ai visité le magnifique librairie LGBTQ Les Mots à la Bouche, à Paris, en mai 2023. Je regardais dans la section Théâtre, et il y avait de nombreux livres de cette personne dont je n’avais jamais entendu le nom. D’ailleurs, de toute évidence, il s’agit d’un dramaturge très connu en France (et, semble-t-il, en Allemagne).

 

Et il était gai?

Oui. Mort du SIDA en 1989, trois mois après le dernier entretien dans ce livre.

 

Donc, on parle beaucoup du SIDA dans le livre?

Pas du tout. Je crois que ce n’est jamais mentionné, en fait. Koltès parle plutôt du théâtre, de ses pièces, de ses relations souvent tendues avec les metteurs en scène, de l’écriture.

 

Bon. C’est un dramaturge qui parle de la vie des homosexuels, alors?

Pas du tout. J’ai lu seulement une de ses pièces (La Nuit juste avant les forêts), mais je dirais que son sujet principal est les personnes marginalisées dans la société, à cause du racisme ou colonialisme ou leur position dans la sphère économique. Par contre, selon Koltès, on est tous marginalisé.

 

D’accord. Mais, pas d’intérêt particulier pour un lecteur queer?

Pas précisément, non. Comme j’ai déjà mentionné, Koltès ne parle quasiment jamais de sa sexualité. Dans un des premiers entretiens dans le livre, il dit : Mon homosexualité n’est pas un pilier solide sur lequel je peux m’appuyer pour écrire. Il se poursuit, Il y a une forme de déracinement propre à l’homosexuel. . . . Lorsque je l’aurai comprise, je pourrai en parler. Malheureusement, il semble qu’il n’avait jamais atteint cette compréhension avant sa mort à l’âge de 41 ans. En fin de compte, la relation entre sa sexualité et son écriture me rappelle celle du grand dramaturge Edward Albee, qui aussi ne se concentrait pas dans ses nombreuses pièces sur la vie des gais.

 

Qu’est-ce qu’on retient de la lecture de cette collection d’entrevues?

Moi, j’ai beaucoup apprécié le livre. Les observations de Koltès à propos du théâtre sont hyper intéressantes, et sa franchise et sens de l’humour sont rafraichissants. Mais je dirais qu’il était comme plusieurs personnes gaies de son époque, en voulant vivre sa vie sexuelle et amoureuse sans porter l’étiquette LGBTQ. En même temps, je dirais que ses prédilections témoignent de sa position dans les marges de la société, en tant qu’homme gai. Aujourd’hui, il se peut que les artistes queer ont tendance à regarder le monde uniquement de leur point de vue affiché, et peut-être qu’on parle trop de nos vies, des personnages qui sont comme nous. C’est intéressant de lire les commentaires des artistes queer des années 70, 80, 90, qui étaient à l’aise avec leur sexualité, qui n’étaient pas du tout dans un quelconque placard, mais qui ne voyaient pas leur sexualité, comme a dit Koltès, comme la pierre angulaire de leur vision du monde. 

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